Un consortium de chercheurs américains issus de plusieurs disciplines a retracé l’histoire de la première sortie de l’eau des êtres vivants grâce à un robot amphibien.
Retracer l’Histoire de la vie
L’Homme a constamment été inquiété par son avenir. Incapable de le prédire, il a utilisé la religion pour remplir ce vide. Incapable, il l’est aussi de revenir sur ses traces passées. Les travaux des archéologues contribuent à lever le voile épaissi par des centaines de millions d’années d’évolution. Si l’on est plus ou moins en mesure de retracer la “naissance” de l’Univers, nous sommes aujourd’hui encore bien ignorants quant à l’évolution de notre propre espèce et a fortiori des autres êtres vivants.
La reconstitution de l’histoire du vivant est l’une des questions principales qui guident les recherches de nombreux scientifiques. Si la plupart d’entre eux s’accorde à dire que les êtres vivants ont quitté les océans pour vivre sur terre il y a environ 360 millions d’années, aucun ne prétend savoir exactement comment et pourquoi cette transition a eu lieu.
La robotique au service de l’Histoire
Dans un article paru dans la revue Science, une équipe de chercheurs de Georgia Tech, de Carnegie Mellon, de l’Université Clemson et de l’Institut National de la Synthèse Mathématique et Biologique a fait part des résultats de leur étude, tentant de répondre à la question “les êtres vivants auraient-ils quitté l’eau pour la terre grâce à une queue ?”.
Ces expérimentations ont donc eu pour objectif de tester un certain nombre d’hypothèses pour valider cette théorie. Résultat, posséder une queue facilite grandement la transition d’un milieu aquatique à terrestre. Des biologistes, des roboticiens et des mathématiciens ont ainsi travaillé de concert pour vérifier ces hypothèses.
Le professeur Daniel Goldman du Georgia Tech ne cache pas son enthousiasme : “Pour moi, cela a été une formidable intégration de mes centres d’intérêts, appliqués à une question que je trouve fascinante : comment les premiers animaux ont-ils fait pour se déplacer sur terre à leurs tout débuts ?“.
Pour tenter de répondre à cette question fatidique, trois méthodes ont été mobilisées. Tout d’abord, les biologistes se sont intéressés au comportement et à la mécanique des corps des amphibiens, en partant du Mudskipper africain (famille des Oxudercinae). Sa particularité ? C’est un poisson qui vit près des côtes et se sert de ses nageoires supérieures pour se déplacer sur le sol. Il est considéré comme l’un des organismes vivants les plus proches des premiers vertébrés terrestres.
Ils ont ensuite enregistré des séquences vidéos d’amphibiens près des côtes pour étudier leur comportement et leurs techniques de déplacement. C’est alors qu’ils ont découvert que le mudskipper se servait de sa queue pour gravir des pentes.
Partant de ce constat, les roboticiens ont apporté leur expertise pour reproduire le fonctionnement de cet animal sur une réplique artificielle baptisée MuddyBot. Aussi, ils ont pu tester une infinité de combinaisons d’inclinaisons, de forces et de positionnement pour trouver la plus performante. Une nouvelle approche scientifique qu’ils ont par la suite appelée “robophysics” et qui pourrait donner naissance à un nouveau courant scientifique dans l’étude des anciennes espèces.
Enfin, les mathématiciens sont venus compléter l’équipe. Ils ont déployé ce qu’ils appellent de la “mécanique géométrique” pour analyser toutes les options possibles de déplacement dans l’espace et sur les différentes surfaces étudiées ; et déterminer quels types de mouvement permettaient ou non à l’animal de se mouvoir dans une pente boueuse ou sableuse.
A l’arrivée, c’est une véritable étude quantitative que les chercheurs ont mené pour soutenir une théorie : les premiers êtres vivants terrestres se sont probablement servis de leur queue pour ramper sur le sol et quitter l’environnement marin : “les données tirées de ces différentes expériences nous ont poussé à supposer que l’utilisation propulsive de la queue, une variable trop souvent délaissée dans les études passées, peut être l’élément clé pour comprendre l’adaptation de ces premiers êtres marcheurs aux surfaces dures” explique Benjamin McInroe, co-auteur de l’article.
Toutefois, si l’on en croit Daniel Goldman, cette nouvelle découverte ne cache pas notre ignorance dans ce domaine : “Rien que ce petit mouvement de la queue tout simple a mis en exergue notre ignorance dans au mois quatre disciplines : la biologie, la paléontologie, la robotique et les mathématiques“. Car si ces travaux ont apporté un début de réponse sur le premier pas terrestre, ils n’expliquent aucunement comment un si banal mouvement de queue a pu aider les premiers êtres vivants à s’aventurer plus loin que la côte. La physique ne parvenant toujours pas à comprendre comment le sable peut se propager de la manière observée après le premier pas.
En attendant, rien ne prouve que c’est par ce moyen précis que les vertébrés ont foulé le sol terrestre pour la première fois. Aussi, l’équipe de chercheurs travaille déjà sur de nouveaux prototypes de robots pour tester différents types de locomotion. Dans tous les cas, ces travaux ont permis de faire avancer la science dans au moins trois disciplines, dont la robotique, qui prouve une nouvelle fois qu’elle peut servir à recoller les morceaux d’un lointain passé, comme c’était le cas de l’humanoïde OceanOne, explorateur de l’épave du Roi Soleil.
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