Des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie ont transposé l’effet Ikea à la robotique. Leur étude montre qu’en assemblant soi-même son robot, on l’apprécierait davantage.
L’effet IKEA et l’avènement du do it yourself
Connaissez-vous l’effet Ikea ? C’est une sensation singulière que procure l’action de construire soi-même son mobilier. Il ne s’agit pas d’une blague, c’est une étude de la Harvard Business School qui est arrivée à cette conclusion : lorsque l’on participe un tant soit peu à la conception d’un objet, l’on éprouve toujours plus de sympathie à l’égard de cet objet. Les trois chercheurs d’Harvard ont ainsi démontré que les produits fait-main étaient toujours plus appréciés par leurs utilisateurs. L’objectif de cette étude étant évidemment d’analyser ce phénomène pour le comprendre et mieux le réutiliser dans d’autres entreprises et d’autres filières.
La première apparition nette de ce phénomène a eu lieu aux Etats-Unis dans les années 1950. Dans un mouvement frénétique de machinisation et de libération des corvées quotidiennes, les vendeurs de tapisseries ont eut l’idée lumineuse de concevoir des gâteaux à faire en deux temps trois mouvements. A leurs débuts, les gâteaux en poudre connaissent un timide essor. Les concepteurs se sont rendus compte que leurs poudres étaient en réalité trop faciles à cuisiner et que les consommateurs n’éprouvaient donc aucune espèce de mérite à servir un gâteau tout préparé. Dans un absurde effort de “recomplexification” de la tâche, les pâtissiers ont donc retiré les œufs lyophilisés du mélange initial. Le but ? Inviter le consommateur à intégrer lui-même les œufs dans le mélange en poudre. Miracle, la ménagère retrouvait une estime de soi et de ses compétences de cuisinière et les ventes ont décollé. Ces dernières années, vous l’aurez remarqué, la mode est au retour du manuel, du concret. Les jeunes urbains nés à l’heure d’internet achètent de plus en plus d’objets rétro qui rappellent une époque pourtant révolue. Ce qu’ils recherchent à travers ces achats, c’est un retour à l’artisanat, aux choses réelles, concrètes, loin des bytes et des mégaoctets qui circulent jour et nuit sur leur smartphone. Aussi de nombreuses entreprises se créent avec pour idée marketing centrale le Do It Yourself, le faire soi-même. La mouvance Makers, et le festival qui lui est dédié la Maker Faire, où les plus fervents adeptes se sont réunis en avril dernier, gagne en puissance d’année en année et constitue un assez bon indicateur de ce retour à l’artisanat. Le mouvement Nuit Debout comporte même en son sein une cellule makers qui réunit des férus de bricolage à la recherche de produits alternatifs. Ce mouvement a en grande partie bénéficié de la démocratisation des pièces électroniques et technologiques, à l’instar de l’impression 3D que ses promoteurs présentent comme un vecteur de réappropriation de la fabrication.
Pour les aimer, il suffit de les fabriquer
“Cette étude indique que même si vous pouvez vendre votre robot totalement assemblé et prêt à l’emploi, les gens l’aimeront plus et penseront qu’il est de meilleure qualité si vous les laissez participer au processus de création, voire, leur offrez la possibilité de personnaliser leur objet“. Tout est dit dans cette citation tirée de l’article de recherche de l’Université de Pennsylvanie. Ce n’est pas un hasard si la tendance du DIY est en pleine explosion. Les gens accordent non seulement plus d’importance mais aussi de confiance aux objets qu’ils ont conçus eux-mêmes. De plus en plus d’entreprises jouent sur ce phénomène pour attirer des clients. Le secteur de l’automobile fournit à ce titre un bel exemple. Dans le sillage de la Mini Cooper, Citroën, Renault et Peugeot ont rejoint le mouvement. Ils proposent chacun des modèles de voitures personnalisables à un certain degré. Le plus courant est de pouvoir personnaliser la couleur du toit et celle de la carrosserie. Ça ne paraît rien mais toutes sont des succès commerciaux et donnent l’impression au consommateur d’apporter sa touche au produit final.
La robotique n’échappe pas au phénomène. Au contraire, elle constitue le terrain de jeu parfait pour mettre en applications les théories du faire soi-même.
Plus récemment, c’est l’étude de l’Université de Pennsylvanie qui a sondé le potentiel du DIY sur leur acceptabilité. Cette étude, emmenée par Yuan Sun et S. Shyam Sundar s’intitule “De l’importance psychologique de l’agencement humain : comment l’assemblage personnel affecte l’expérience des robots“. Leur interrogation initiale ? “Est-ce-que l’assemblage de son propre modèle peut-il améliorer la qualité de nos interactions avec lui ?” Au delà du simple aspect objet, les auteurs se sont également demandés si son usage intrinsèque (utilitaire versus social) avait un impact significatif sur la nature des relations à l’objet. Ils ont donc mené une expérience auprès de sujets en utilisant à la fois des produits utilitaires, comme un aspirateur, et des compagnons sociaux, comme Buddy ou Pepper. Le modèle sélectionné était un KT-Gladiator 19 comme suit :
Conclusions ?
Leurs résultats indiquent que les participants avaient tendance à avoir une meilleure impression du robot quel qu’il soit (utilitaire ou social) lorsque ils l’assemblaient eux-mêmes. Ils estiment que ce phénomène de confiance est dû à un sentiment de propriété et d’accomplissement qui peut véhiculer une sensation de mérite, de valorisation personnelle. En outre, et c’est finalement la conclusion la plus surprenante, les gens ont eu tendance à avoir des interactions plus positives lorsqu’ils avaient affaire au produit utilitaire plutôt qu’au social.
Si ces conclusions peuvent sembler banales, elles auront sans aucun doute un fort impact sur les prochaines machines. Car ces recherches vont directement influencer la conception et le design des futurs robots et surtout la façon dont ils seront vendus. Les théories psychologiques induites par le DIY pourront déboucher sur des stratégies marketing un peu plus rodées. Si l’idée du monter soi-même est peut-être valable pour des petits modèles, il est difficile de s’imaginer que monsieur tout le monde s’aventurera dans l’assemblage de quelque chose d’un peu plus complexe. Mais ces découvertes n’en demeurent pas moins importantes dans la mesure où l’on pourrait rapidement voir des entrepreneurs se les approprier pour mieux vendre leurs produits. A l’instar de l’automobile, l’avenir du secteur est peut-être celui d’une personnalisation minimale mais bien réelle, qui procure au consommateur la sensation d’avoir imprimé sa propre marque sur son modèle. Un modèle qui se distingue alors du plus courant, ce qui permet à son utilisateur de se sentir valorisé.
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