Si la nouvelle canopée de Châtelet-Les-Halles en impressionne certains, attendez de voir celle du Musée V&A. A l’occasion de sa Saison de l’Ingénierie, le Musée londonien célèbre les héros ordinaires que sont les êtres vivants, avec une sublime canopée bio-inspirée.
Virtuoses insoupçonnés de l’architecture, les insectes sont en réalité de véritables maîtres de la conception architecturale. Robustesse, finesse et souplesse sont les trois mots qui décrivent le mieux les compétences du règne animal. Le Musée Victoria & Albert a donc naturellement souhaité faire part de leurs majestueux travaux, trop souvent laissés dans l’ombre en leur consacrant une exposition.
Avec l’installation Elytra Filament Pavilion, le Musée s’inscrit das l’ère du temps, avec une prise de conscience du formidable savoir-faire de la nature et du vivant. Trop longtemps, l’Homme a puisé dans son propre génie pour élever encore et toujours son confort de vie. Aujourd’hui, de nombreux chercheurs s’en retournent à la Nature, mère de nombreuses merveilles d’ingéniosité, souvent insoupçonnées et inégalées. C’est ce qu’on appelle le biomimétisme. Car les animaux et leurs capacités sont le résultat de près de quatre milliards d’années d’évolution. Ceux qui ont survécu jusqu’ici détiennent sans aucun doute des facultés uniques qui leur ont permis de se distinguer des autres espèces. Comme l’être humain qui ne s’est pas privé de profiter de son intelligence, les animaux savent également tirer profit de leurs savoir-faire innés. Car chaque animal ou insecte possède une compétence qui lui est propre et qui est en soi extraordinaire. La peau du requin a inspiré quantités d’ingénieurs en aérodynamique et aérospatial. Le saut de la sauterelle inspire les ingénieurs en micro-systèmes. La chenille construit son nid avec du fil robuste et inspire l’impression 3D… Et ainsi de suite.
Du 18 mai au 6 novembre, le Musée V&A célèbre la saison de l’ingénierie en partenariat avec Volkswagen. Le lieu culturel explore de nombreux exemples de l’inventivité du règne animal. Mais ce que nous avons retenu, c’est bel et bien la somptueuse canopée Elytra Filament. Cette canopée biomimétique a été conçue par les architectes allemands Achim Menges et Moritz Dorstelmann, l’ingénieur Jan Knippers et l’ingénieur du climat Thomas Auer. Les deux premiers président des instituts de recherche à l’Université de Stuttgart et prônent vigoureusement les avantages du biomimétisme, de la robotique et des nouveaux matériaux dans la conception de nouvelles architectures. La Canopée Elytra Filament est le fruit de la rencontre entre ces différents savoirs.
Le design de l’installation est inspirée des structures légères que l’on peut trouver dans la nature, comme les nids ou les toiles d’araignées. Mais aussi et surtout comme les ailes du scarabée volant Elytra qui a donné son nom à l’exposition. En tout et pour tout, elle s’étend sur plus de 200 m² et pèse moins de 2,5 tonnes. L’installation rend également hommage aux serres de l’ère Victorienne, chères au musée.
Conçue par les ingénieurs, mais fabriquée par un robot. Cette initiative rappelle un important message que les auteurs ont souhaité véhiculer : grâce aux nouvelles technologies, cette immense structure a pu être fabriquée sur place. Et ce grâce à un robot Kuka tisseur. Le projet a donc conjugué l’architecture aux nouvelles technologies de la robotique et de la Data. Le principe directeur du projet ? Utiliser “moins de matériaux” pour “plus de formes“. L’idée étant de s’inspirer des structures en fibres de la nature pour concevoir des structures artificielles à la fois robustes et légères. La canopée n’est ainsi constituée que de deux matériaux, celui qui habite la toiture et celui que l’on trouve dans la structure. Les deux variantes sont toutes deux constituées de fibres de verres transparentes et de fibres de carbone. Exit les moules et autres processus de fabrication complexes. Ici, c’est le robot qui s’est chargé du tissage, réduisant drastiquement les pertes de matériaux. Pour concevoir chaque cellule de la canopée, le robot tisse les fibres de verres sur un cadre fait de fibres de carbone. Le processus étant entièrement numérisé, il est très facile pour les ingénieurs de varier la forme, la densité et l’orientation des cellules selon leur bon vouloir et donc d’adapter la structure générale au fil du temps et de l’espace. Avec ce matériau composite, la structure ne pèse que 9 kg au m².
En outre, la structure principale est évolutive. La canopée est un espace dynamique qui s’adapte à son environnement, “responsive” comme on dit dans le milieu du numérique. Elle a été installée fin mai, à la charnière entre le printemps et l’été et ne sera démontée que fin novembre. Inutile de rappeler combien la nature évolue durant cette période. Aussi, grâce à un travail de collecte de données sur les plantes environnantes, la canopée est supposée évoluer pour être en symbiose totale avec le jardin du Musée. Parcourue de bout en bout de fibres optiques, la canopée est ainsi capable de s’étirer ou de se contracter au besoin grâce aux efforts du robot qui sera toujours sur place pour répondre à la demande. Un suivi au millimètre des activités naturelles et humaines permet au Musée d’adapter sa canopée au besoin et donc gérer ses ressources avec parcimonie et économie.
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