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Robots : bienvenue dans la vallée de l’étrange

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“Fascinants”, “effrayants”, qu’ils nous émeuvent ou qu’ils nous glacent le sang, les adjectifs utilisés pour qualifier les robots sont nombreux. Doivent-ils nous ressembler pour être acceptés dans notre société ou conserver leurs traits de machines ?

C’est la question que se posent de nombreux chercheurs, mais à laquelle il reste difficile de donner une réponse définitive tant les différences individuelles et culturelles sont importantes.

Brouiller les frontières entre l’humain et le robot ?

Affetto, le robot-bébé développé par l’Université d’Osaka au Japon en 2012 a fasciné la communauté asiatique pendant des semaines. En Occident, l’enthousiasme a été nettement moins palpable. Capable de reproduire les expressions d’un enfant de 2 ans, il a demandé des prouesses technologiques incomparables, mais remplacera t-il pour autant les barbies et autres ours en peluche ? On peut en douter. L’objectif de ses créateurs est de toute façon tout autre : “parvenir à créer un robot suffisamment ‘vivant’ pour étudier les interactions et l’attachement qui se créent entre un enfant et les adultes qui s’en occupent”.

affetto le robot bébé

Dans le même esprit, le célèbre professeur Hiroshi Ishiguro a créé son sosie, Geminoid HI-1, ainsi qu’un clone robotique de sa propre fille, Repliee R1. Celui qui cherche à construire un androïde impossible à différencier d’un être humain aurait dit, dès 2005: “Voici longtemps que je mets au point des robots, et en grand nombre, mais je me suis bien vite rendu compte de l’importance de leur aspect. Une apparence humaine donne à un robot un extraordinaire sentiment de présence“.

Geminoid d'Hiroshi Ishiguro

Pourquoi les robots anthropomorphes nous semblent dérangeants ?

Une étude, relayée sur le site en 2013, mettait en avant l’importance de la psychologie dans le choix du design des robots. Il en découle que le choix du physique du robot dépend de facteurs aussi différents que les tâches qu’il aura à accomplir, l’âge de son interlocuteur ou sa catégorie socio-professionnelle. Cependant, la forme humanoïde semble toujours favorisée à la créature complètement fantaisiste. Elle inspirerait davantage confiance et augmenterait les chances d’interaction.

Mais cette ressemblance doit connaître des limites, au risque de tomber dans ce que les scientifiques appellent : la vallée de l’étrange (de l’anglais “uncanny valley“).

Le terme vient du roboticien japonais Masahiro Mori. Celui-ci théorise ce sentiment de malaise qui peut apparaître face à certains humanoïdes : plus un robot serait similaire à un être humain, sans pour autant lui ressembler suffisamment pour être confondu, plus ses imperfections sembleraient monstrueuses. Il y aurait donc une “vallée”, dans laquelle l’imitation humaine devient dérangeante et provoque un rejet, mais qu’il est possible de dépasser.

Concrètement, quand un robot ou un objet (peluche, poupée) adopte des traits humains, celui-ci génère une certaine sympathie. Ses traits familiers permettent de se sentir à l’aise. C’est le cas de robots comme NAO ou Pepper du français Aldebaran, qui reçoivent tous les deux un accueil très positif du grand public. En revanche, si cette ressemblance va plus loin mais que le comportement de l’objet ou du robot s’éloigne trop de celui d’un humain – comme c’est le cas de Repliee ou d’un cadavre – on tombe dans ce sentiment de malaise.

L’Université de Californie à San Diego a décidé d’étudier scientifiquement ce phénomène. Vingt sujets entre 20 et 36 ans ont visionné trois vidéos enregistrées par l’équipe de chercheurs. Dans la première, un robot humanoïde effectuait des tâches simples : faire un geste de la main, prendre un verre d’eau, etc. Dans la seconde, ces mêmes tâches étaient réalisées par un être humain. Et dans la dernière, par un robot à l’aspect de machine, sans peau ou cheveux artificiels. « Lorsque les sujets ont vu les vidéos avec le véritable humain et le robot métallique, leurs cerveaux ont montré des réactions typiques. Mais en voyant l’humanoïde, ils se sont “allumés” comme des sapins de Noël ». C’est la région du cerveau qui connecte le cortex visuel et les neurones de l’empathie qui n’arriverait pas à faire le lien entre l’apparence du robot, proche de celle de l’humain, et ses mouvements, pas encore assez fluides pour être confondus avec les nôtres. Ce décalage crée alors un sentiment de malaise et d’inconfort.

Des différences culturelles et économiques

Au Japon, la robotique est plus qu’une technologie. Elle fait partie intégrante de la culture et de l’imaginaire collectif, et ce depuis des dizaines d’années. Contrairement aux occidentaux pour qui le robot est davantage perçu comme une menace latente, amené à prendre nos emplois ou nous asservir, les japonais le voit comme un objet sympathique et créé pour aider l’être humain. Car le pays connaît une situation économique très différente de la nôtre : faible taux de natalité, pénurie de main d’oeuvre non-qualifiée et vieillissement de la population. Le développement de la robotique de service est vu comme la clé pour faire face à ces nouveaux défis.

On peut penser que l’exposition précoce de certains pays asiatiques aux robots a entamé le travail d’évolution de leurs systèmes de perception, d’où leur plus grande facilité à accepter des androïdes à la peau artificielle et aux expressions extrêmement réalistes.

En sera t-il autant pour nous, occidentaux, dans quelques années ?

Crédits : Luisa Whitton, Queensland University of Technology, AFP, University of San Diego

Marlène Moreira (@mrlnmoreira)
Ex-Aldebaran et passionnée d’innovation et de robotique.

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