Le développement des intelligences artificielles continue de soulever des questions qui peuvent paraître farfelues. Si le chercheur David Levy et la psychologue Helen Driscoll ont soutenu l’hypothèse que d’ici quelques années la robophilie sera la norme, le docteur Kathleen Richardson, experte en robotique, elle, vient de lancer une campagne visant à interdire le développement de robots sexuels. Cette campagne rejoint en outre la découverte d’une clause dans les conditions d’utilisation de Pepper, qui a suscité de vives émotions au Japon, qui vise à interdire toute utilisation du robot dans un contexte sexuel.
Pour Kathleen Richardson, chercheuse à l’université de Montfort à Leicester, l’utilisation de robotique de pointe pour le développement de mannequins humanoïdes pouvant être utilisés pour des relations sexuelles est “en effet très dérangeant”. Pour elle, cela renforce les stéréotypes traditionnels de la femme l’idée qu’une relation ne consiste qu’en une proximité physique. Selon le texte de sa campagne, elle est d’avis qu’une “approche organisée contre le développement de robots sexuels est nécessaire en réponse aux nombreux articles et campagnes qui promeuvent leur développement sans examination critique de leur effet préjudiciable sur la société.”
Plusieurs entreprises à travers le monde sont en train de développer des robots conçus à des fins sexuelles, dont certains pourraient être commercialisés dès 2017. C’est l’une des raisons qui ont poussées le docteur Richardson a lancé sa campagne. Pour elle “les robots sexuels semblent éveiller un intérêt croissant au sein de l’industrie robotique et les modèles sur lesquels ils se basent, à quoi ils vont ressembler, quels rôles vont-ils jouer, sont en effet très dérangeants.” Elle espère que d’autres membres rejoindront la campagne afin que celle-ci puisse “encourager les chercheurs en informatique et les roboticiens à refuser de contribuer au développement de robots sexuels”, en refusant par exemple de “fournir des lignes de code, du matériel ou des idées”.
Pour Erik Billing, le co-fondateur de la campagne, “le danger des robots sexuels réside dans la lecture que nous en faisons, comment nous créons des fantasmes, qui, sous certains aspects, deviennent une réalité – une réalité où l’on attend de l’utilisateur humain (masculin) qu’il allume son robot compagnon femelle pour son plaisir personnel et solitaire.” Pour lui, cette vision est “très éloignée d’une relation sexuelle saine et mutuelle”. Bien que la campagne reconnaisse qu’il existe un parallèle entre les robots sexuels et les professionnels du sexe, elle rejette toutefois l’argument que les robots puissent remplacer les humains dans le commerce sexuel. Pour Kathleen Richardson et Erik Billing, ce genre de technologie ne fera que “renforcer” le commerce sexuel, “créant plus de demande pour des corps humains”.
Pour la chercheuse en informatique Kate Devlin, l’objectif de la campagne “manque de vision”. Pour elle, “au lieu d’inviter à une interdiction claire, pourquoi ne pas utiliser le sujet comme base pour explorer de nouvelles idées sur la solidarité, la légalité et les changements sociaux ?” Selon elle, “la peur d’une branche [des intelligences artificielles] qui n’en est qu’à ses débuts est une raison pour la règlementer, par pour l’interdire. Oui l’éthique a sa place en robotique. Et, comme pour le sexe entre humains, en parler ne pourra qu’améliorer les choses.” Erik Billing a répondu à cette critique en déclarant qu’ils ne sont pas “contre la recherche sur les robots sexuels.” Toutefois, ils sont “fortement opposés au développement de robots sexuels sans considération pour les conséquences éthiques et sociales de ce genre de machines.”
Cette campagne a été lancée alors que l’entreprise True Companion a dévoilé leur nouveau robot sexuel Roxxxy, une gynoïde qui coûtera quelques 7 000 $ (6 230 €). Malgré ce prix élevé, l’entreprise a annoncé que les pré-commandes atteindraient déjà les milliers. Pour Douglas Hines, PDG de True Companion, cette forte demande s’explique par le fait que les robots sexuels offrent un certain contentement et épanouissement différent des autres interactions humaines. Il insiste toutefois sur le fait que Roxxxy n’a pas pour vocation de supplanter une épouse ou de remplacer une petite amie mais est présentée comme étant une solution pour les personnes entre deux relations ou ayant perdu leur compagnon. L’entreprise basée dans le New Jersey ne compte pas s’arrêter à un robot féminin, puisque le développement de Rocky, un robot masculin est en cours. Tous deux seront modifiables, aussi bien d’un point de vue physique que d’un point de vue de leur intellect, True Companion proposant différentes personnalités types que le client peut ajuster à son gré.
Toutefois, tout robot n’a pas vocation à découvrir l’intimité de son propriétaire, comme le montre les conditions d’utilisations de Pepper d’Aldebaran et SoftBank. En effet, la semaine dernière, celles-ci ont été attentivement étudiées au Japon et les internautes ont découvert une ligne intéressante. Il est interdit d’utiliser Pepper pour des “actes ayant comme objectif un comportement sexuel ou indécent ou ayant comme objectif d’associer deux personnes ne se connaissant pas du sexe opposé”. La clause est suffisamment vague pour inclure beaucoup de chose sans être trop spécifique. En cas d’infraction, la sanction est simple, puisqu’il y a rupture de contrat la garantie est automatiquement retirée.
Toutefois, comme le souligne l’équipe de rédaction Master Blaster pour le site rocketnews24.com, c’est une bonne chose que SoftBank pense à couvrir tous les domaines, puisque “tandis que Pepper est distribué, quelqu’un, quelque part, va tenter de l’utiliser pour prendre son pied. Après tout, les humains sont des animaux curieux et toujours à la recherche de plaisir. C’est du moins ce que [l’auteur] disait à [sa] femme tandis qu’elle désinstallait [leur] système généralisé d’aspirateur”.
Cet article La robophilie en passe d’être interdite ? est apparu en premier sur H+ Magazine.