Hier, Disrupt SF a été le terrain de jeu de la tornade George « geohot » Hotz, le hacker devenu entrepreneur qui compte prendre de vitesse les pionners de la voiture autonome avec un kit à 999$.
L’autonomie ? Un jeu d’enfant
Comma.ai ne vous dit peut-être rien, et pourtant elle ne cache pas son ambition. Sa devise ? « Ghostriding for the masses« . Autrement dit, « la conduite autonome pour tous« . En anglais, l’expression ghostriding fait référence à une pratique assez originale qui consiste à laisser rouler sa voiture tandis que l’on réalise une danse sur le capot ou le toit pour impressionner ses amis.
Comma.ai joue donc habilement – ou non, c’est selon – sur cette pratique popularisée par la culture hip-hop et rapidement considérée comme particulièrement dangereuse, ayant entraînée la mort de certains de ses adeptes aux Etats-Unis.
La start-up prolonge son ton humoristique en concluant sur son site web par la phrase malheureusement célèbre prononcée par le CEO de Nokia lors de son rachat par Microsoft « Nous n’avons rien fait de mal, et pourtant, nous avons perdu« , en la juxtaposant cette fois aux constructeurs automobiles historiques et leur promettant le même sort d’ici 5 ans.
Si le nom de cette entreprise ne vous dit rien, c’est pourtant George Hotz, le premier homme à être parvenu à hacker un iPhone (à l’âge de 17 ans et sous le pseudonyme Geohot), qui l’a fondée. Fin 2015, le jeune et orgueilleux génie de 26 ans invite des journalistes à visiter son garage où il prétend avoir développé une voiture autonome en un temps record. Personne ne le croit. Néanmoins, un LiDAR et une caméra trônent sur son véhicule Acura ILX. A la place de la boîte à gant, un gloubi-boulga de fils électriques reliant différents composants électroniques sur un tableau en bois. A la place du levier de vitesse, un joystick, et un grand écran tactile au beau milieu du tableau de bord.
C’est ainsi qu’était né l’un des plus grands mythes de la Silicon Valley de ces dernières années. Seul dans son garage et en l’espace d’un an, le hacker aurait été capable de concevoir un système pour autonomiser un véhicule à la manière d’un Autopilot de Tesla.
Car à la différence d’un Google, ce que propose Hotz est en fait un kit à installer sur n’importe quelle voiture afin de la rendre autonome.
A en croire cet entrepreneur, son véhicule était déjà en mesure de rouler correctement sur route en avril, et ce avec seulement 5000 km à son compteur. On est bien loin des 3,5 millions de km parcourus par les google car ou des 100 millions de miles revendiqués par Tesla.
Une affirmation qui n’a pas manqué de créer la polémique dans le milieu des hautes technologies et du véhicule autonome. Suite aux révélations sur les projets de Hotz par Bloomberg en décembre 2015, Tesla Motors s’est empressé de répondre sans détours aux prétentions du jeune homme. Sur son blog, la firme d’Elon Musk conteste la possibilité qu’un seul homme ait pu arriver à concevoir un tel logiciel : « nous pensons qu’il est très peu probable qu’une seule personne, ou même une petite entreprise, qui manque de capacités d’ingénierie, serait en mesure de produire un système de conduite autonome pouvant être déployé sur les véhicules du commerce. Un tel système pourrait peut-être fonctionner en tant que démonstration sur un bout de route – comme nous le faisions il y a deux ans – mais il faut mobiliser un nombre incroyable de ressources afin d’affiner le système pour des millions de km et de routes différentes« .
C’est pourquoi, en juin dernier, Hotz appelait la communauté à lui prodiguer leurs précieuses données de navigation au moyen des applications mobiles téléchargeables Chffr et Dash. Il concédait alors que son modèle ne pourrait pas encore emprunter les routes urbaines avant la fin de l’année mais il estimait que les autoroutes ne poseront aucun souci. Simplement parce que ces longues et droites lignes ne requièrent qu’un nombre beaucoup plus restreint de data.
Une tornade dans le monde des hautes technologies
Depuis, aucune nouvelle. Du moins… jusqu’à hier.
Car hier, l’entrepreneur est apparu sur la scène de la conférence Disrupt SF organisée par TechCrunch. Il en a profité pour faire un récapitulatif de ses avancées au cours d’une intervention qui lui a valu le surnom d’entrepreneur le plus prétentieux de la Silicon Valley par la presse américaine.
Grâce à ses applications Android et iOS, il a pu récolter un nombre considérable de data, sur près de 500 000 km pour un peu plus de 7900 heures de vidéos collectées par 739 utilisateurs.
Mais il insiste vite sur l’aspect Android de la chose puisqu’il a ensuite déclaré que si « Tesla veut être l’iOS de la voiture autonome, alors nous voulons être l’Android« . Comprendre, Tesla et Apple proposent des produits haut de gamme, peu accessibles, et dont les logiciels sont protégés et secrets. A l’inverse, les univers Android et Comma.ai se veulent plus démocratiques (au sens populaire). Et lorsqu’il évoque l’appli Dash (pour Iphone), il coupe court et n’hésite pas à lancer « revenons plutôt à nos voitures autonomes« .
Il enchaîne alors sur une présentation du marché de la voiture autonome en balayant ses concurrents d’un revers de la main : « Il y a Google, qui a de bonnes technologies, mais qui ne livrera jamais. Ensuite, vous avez Otto, qui était super, mais qui croule maintenant sous les millions de Uber, et pour finir il y a Tesla« . Et c’est là que toute la splendeur du personnage resurgit : »vous savez quoi, malgré mon désaccord notoire avec Elon Musk, j’ai un profond respect pour Tesla car, eux, ils ont au moins sorti une voiture autonome« .
Voilà pour les leaders du secteur. Mais Hotz n’en a pas fini. « Comme il n’y a pas assez de trashtalk dans la Silicon Valley, parlons maintenant des clowns. Il y déjà MobilEye. Eux, leur modèle de développement, c’est de travailler avec les autorités régulatrices pour faire baisser le niveau de sécurité« . A noter que MobilEye est l’entreprise qui a laissé tomber Elon Musk lorsque sa compagnie a été impliquée pour la première fois dans un accident mortel en mai dernier. Un retournement de veste qui a tout d’une preuve de lâcheté selon Hotz. Son animosité envers Tesla et MobilEye peut s’expliquer par le fait qu’il se soit, selon ses dires, rendu chez Elon Musk pour lui proposer de concevoir un autre système, plus performant que celui créé par MobilEye. Il aurait cependant fini par prendre la porte après que Musk ait voulu ajouter une clause dans son contrat, stipulant qu’il était en droit d’opposer son véto à l’achat du produit, quand bien même il venait à satisfaire tous les critères prévus par l’accord.
Retour sur le ring. Hotz poursuit ses vociférations avec la start-up de Stanford, Drive.ai, qui a récemment fait la une en proposant d’équiper ses véhicules de panneaux d’affichage afin de communiquer avec les piétons. Et de renchérir, en accusant carrément Cruise Automation de « vendu« , pour avoir cédé son business à General Motors après avoir constaté qu’elle était tout simplement incapable de sortir un véhicule digne de ce nom.
Et c’est là qu’intervient, comme par magie, Comma.ai, qui se différencie selon lui par sa « shippability« , c’est à dire sa capacité à livrer un produit en temps et en heure.
Soudainement, tel un prestidigitateur, le jeune mais très remonté entrepreneur sort son fameux kit Comma One de son sac. Un simple cube vert qui vient se poser à la place du rétroviseur et qui suffirait à lui seul de conduire votre véhicule à votre place.
Une efficacité technologique qui s’explique, à des années lumières du personnage qui l’a créée, par sa modestie et son réalisme. En effet, le dispositif ne prétend pas révolutionner l’automobile en permettant à ses passagers de regarder un film à l’arrière de la voiture, mais plutôt à les débarrasser d’une certaine contrainte en leur permettant de transférer la conduite au logiciel tout en restant derrière le volant.
Le tout pour 999$ (+ 24$ par mois) et dès la fin de l’année, mais uniquement pour les propriétaires de Honda ou d’Acura qui habitent la baie de San Francisco. Pour les autres ? « Ce sera encore plus difficile de mettre la main dessus que sur une paire de baskets de Kanye West« .
Et parmi ceux d’entre vous qui crie déjà à l’imposture, sachez que Comma.ai avait reçu en avril, 3 millions de dollars du fonds Andreessen Horowitz, célèbre investisseur qui place ses pions dans un grand nombre d’entreprises du web, à commencer par Facebook, Anki, AirBnB, BuzzFeed, GitHub, Magic Leap, Pinterest et bien d’autres perles de la high-tech et du web, que l’on retrouve notamment dans le top 10 des start-up de la robotique. On évaluait alors la petite compagnie à plus de 23 millions de dollars.
Crédits photos: Bloomberg et TechCrunch.
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