Plus qu’aucun autre secteur, la mode dépend des tendances. Plus qu’aucun autre, il doit anticiper et s’adapter à elles. Démonstration avec SuitApp et Google Trends.
Avec l’avènement du prêt-à-porter est venu celui de la standardisation vestimentaire. Non seulement en terme de motifs et coupes mais aussi en terme de silhouette. Car pour produire des vêtements en masse et les vendre dans le monde entier, il est inévitable d’adopter un patron unique qui doive correspondre à toutes les morphologies de la planète. Une mission impossible que tentent pourtant de relever toutes les grandes marques de prêt-à-porter, évidemment sans réussite à 100%, puisqu’un même vêtement ne saurait satisfaire la grande diversité de corpulences et types de silhouettes.
Et pour épouser parfaitement les courbes de tous les corps, rien de tel qu’un vêtement sur mesure. Malheureusement, la main d’oeuvre nécessaire pour concevoir des modèles sur mesure est bien trop coûteuse pour vêtir toute la planète.
Avec l’application SuitApp, la start-up russe du même nom voudrait concilier les avantages des deux modes de production. La production de masse du prêt-à-porter, et la personnalisation du sur-mesure. Et pas n’importe comment, puisque c’est au moyen d’algorithmes extrêmement fins qu’elle espère y parvenir.
SuitApp, l’appli de re-looking extrême
Fondée il y a six mois par Jen Grebenshchikova, Elena Chuiko et Vladimir Sinitcin, elle est une des rares start-ups de la tech dirigées par des femmes. La partie informatique a toutefois comme souvent été déléguée à un homme, puisque c’est Vladimir Sinitcin qui est en charge des logiciels, quand Jen Grebenshchikova dirige la stratégie commerciale et marketing et Elena Chuiko la branche artistique de l’entreprise basée à Novossibirsk.
La technologie est loin d’être nouvelle puisque de nombreuses entreprises se sont déjà lancées sur le marché de la simulation vestimentaire. Mais le réel avantage de SuitApp réside évidemment dans sa praticité et son accessibilité. Téléchargeable en un clic sur son smartphone, on peut l’emporter partout avec soi. A la manière d’un PrismaAI ou d’un Moodstocks, SuitApp présage l’arrivée massive du machine learning dans les produits et services de grande consommation. Alors que la technologie était auparavant exclusivement réservée aux chercheurs, militaires et autres experts informaticiens et roboticiens, elle débarque à présent dans la poche de monsieur tout le monde grâce aux performances toujours plus puissantes de nos smartphones.
Toutefois, l’appli SuitApp n’a pas à rougir. Elle se divise en plusieurs expériences d’usage : une partie fil d’actualité personnalisé (feed) qui vous tient informé des sorties et révélations vestimentaires du moment selon vos recherches passées et votre silhouette ; une partie simulation qui vous permet de visualiser les vêtements sur un avatar conçu à partir d’un selfie ; une partie personnalisation qui vous permet de filtrer les résultats par tailles, prix, marques… Et pour clore le tout, il est également possible d’en passer par la case achat.
Si elle est parvenue à sortir du lot, c’est aussi parce qu’en mars 2016, elle a pu rejoindre le programme MaGIC (Malaysian Global Innovation & Creativity Centre), un accélérateur de start-ups soutenu par le gouvernement malaisien et inauguré en grande pompe avec le président Barack Obama en avril 2014.
La mode, nouvelle cible des systèmes informatiques
Aussi artistique qu’elle puisse paraître, la mode n’en reste pas moins une industrie commerciale comme les autres. Et qui dit industrie, dit enjeux économiques et commerciaux. Et pour assurer sa pérennité financière, rien de mieux que d’anticiper l’avenir. C’est pourquoi toutes les entreprises du monde moderne ont fait du reporting et de l’audit leur principaux indicateurs de prospérité. Tout doit maintenant être renseigné, mesuré et interprété pour pouvoir élaborer la stratégie de développement de la société. Il en va de même, sinon plus, pour les entreprises vestimentaires, qui à l’instar de la Bourse, misent une grande partie de leurs bénéfices futurs sur des paris. Car pour réussir dans la mode, à défaut d’être à l’origine des tendances, il faut être capable de les voir venir pour adapter sa collection aux attentes des clients.
SuitApp pourrait bien être la prochaine cible de Google. Le géant du web ne cesse de diversifier ses activités et services par le moyen des données et des systèmes informatiques intelligents. Début juillet 2016, il rachetait le français Moodstocks dont le principal produit était déjà une application mobile de machine learning capable de reconnaître les objets grâce à l’objectif du téléphone et d’indiquer dans la foulée à l’utilisateur où se diriger pour mettre la main sur tel ou tel produit.
Fort de son statut de numéro un de la recherche en ligne, Google dispose probablement de la masse de données la plus importante du monde. Une véritable mine d’informations qui permet au géant de diversifier ses activités grâce au Big Data et à la science informatique. La branche Think With Google a spécialement été créée pour prédire les grandes tendances de l’évolution du monde : affinités politiques, secteurs économiques en croissance, nature des vidéos regardées par les jeunes mères, recettes de cuisine les plus en vogue… Tout y passe.
Chaque année, son équipe de chercheurs publie des rapports de prédiction des tendances à venir, dont un consacré tout particulièrement à la mode.
Pour prédire l’avenir, Google se base évidemment sur le passé. Grâce à ses logiciels toujours plus performants, il peut combiner des informations toutes récentes à d’autres beaucoup plus anciennes et donc comparer des tendances naissantes à d’autres particulièrement stables ou qui ont suivi le même schéma de développement. Pour ce faire, il se base exclusivement sur le contenu et la date des requêtes des utilisateurs du moteur de recherche et leur situation géographique. Par exemple, dans ce rapport, la compagnie assure que le bomber sera bel et bien tendance en 2016. Une hausse spectaculaire des requêtes associées au mot « bomber » a permis à la société non seulement de savoir que le vêtement est à la mode, mais aussi de savoir pour quelles raisons et dans quelle mesure. Et ce en regardant simplement les termes accolés au mot « bomber » dans les requêtes. Dans ce cas précis, l’engouement pour la veste bomber est à chercher du côté des célébrités comme Kanye West ou David Bekham, qui les ont portées en public. D’autre part, les termes « flight » et « army » accompagnaient le plus souvent le terme, montrant ainsi l’attrait du public pour son caractère militaire et aviateur.
Parmi ces autres vêtements tendances de l’année 2016, on peut citer les hauts à épaules dénudées (+347% aux Etats-Unis), des habits généralement associés aux mots « robe », « mariage », « plage » et « Michelle Obama ».
Enfin, le rapport permet également d’identifier les habits sur le déclin, ceux que les créateurs doivent éviter à tout prix. On peut citer les vêtements transparents, les jeans délavés ou encore les robes babydoll. Adapter ses créations aux attentes des clients n’est alors plus qu’un jeu d’enfant pour tout styliste qui utiliserait ces données.
Le rapport de Google résume parfaitement la donne : « Ce que les gens cherchent montre ce qui est populaire, la façon dont ils le cherchent révèle des opportunités« . Autrement dit, l’interprétation des données de Google permet de montrer statistiquement ce qui est populaire, où et quand, mais aussi d’anticiper le besoin.
Lien vers le rapport Fashion Trends 2016.
Cet article SuitApp : quand l’intelligence artificielle refait votre garde-robe est apparu en premier sur Humanoides.fr.