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The Quantified Self : un court-métrage sur l’obsession de la mesure

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L’internet des objets et l’auto-mesure promettent de révolutionner notre rapport au monde et à notre propre corps. Le film The Quantified-Self propose un regard dissonant sur ces pratiques qui frôlent parfois avec la paranoïa.

Entre santé et quête de la perfection

Le quantified-self, c’est la mesure de soi. La quête permanente de la mesure, de l’évaluation, du diagnostic. Le terme est apparu en 2007 aux États-Unis dans la bouche d’un éditeur du magazine Wired soucieux de coller une étiquette à cette nouvelle tendance bien américaine qui consiste à gérer son propre corps comme on gérerait une entreprise. Dans le monde émergent des objets connecté, c’est le corps lui-même qui en est devenu un à part entière. Cette tendance parfois excessive naît généralement de la quête du bien-être corporel. Surveillance du poids pour certains, contrôle de sa tension pour d’autres, l’auto-mesure passe désormais par toute une série d’instruments. Des instruments portables (wearables) notamment démocratisés par les applications smartphones. Podomètre, thermomètre, tensiomètre, géolocalisateur… tout y est dans ces nouvelles plate-formes de gestion centralisée que sont devenus nos téléphones. Conjuguez tout cela à la connectivité et au traitement des données et vous obtenez des services d’analyse de votre forme physique toujours plus performants.

Et ce n’est pas tout. L’essor et les promesses tenues par l’internet des objets, sont tels qu’on en vient à connecter n’importe quel objet du quotidien : pèse-personne, bouilloire et ainsi de suite. Quand d’autres, entièrement nouveaux, font leur apparition : bracelets connectés en tous genres, bandeaux d’analyse du sommeil…

La quantité de données récoltées par les objets connectés est chaque jour plus astronomique. C’est pourquoi les grandes firmes du web et l’informatique s’empressent de mettre au point de puissants programmes de recoupement et d’interprétation de cette montagne d’informations. IBM Watson en est un exemple frappant, son logiciel a d’ailleurs récemment permis de détecter un cas de leucémie en comparant l’information génétique d’une japonaise avec les millions d’échantillons de comparaison disponible. L’IA d’IBM est suivie de près par Deep Mind, la branche de recherche sur l’intelligence artificielle de Google et qui a mis la main sur les données médicales d’un grand nombre de patients britanniques. En France, la start-up InnovSanté s’est récemment fait remarquée pour son approche innovante. Celle-ci propose une gamme de services numériques divers et variés, allant de l’évaluation du séjour en hôpital au suivi des effets secondaires de la chimiothérapie en passant par la création d’un passeport de santé qui numérise toutes les informations médicales d’un même patient.

Cependant, pour les particuliers, la frontière entre bien-être et santé est parfois si mince que le Conseil National de l’Ordre des Médecins fait pression sur le gouvernement pour créer un cadre réglementaire autour des ces objets se présentant à tort ou à raison comme de véritables dispositifs médicaux. D’autant plus que certains tombent rapidement dans une spirale infernale dont il est difficile de s’extirper. L’Ordre des Médecins demande notamment plus de transparence autour de l’usage et de la portée médicale des données récoltées par les divers objets, en même temps qu’un effort d’éducation sur les avantages et inconvénients de tels objets d’auto-mesure.

Le père de famille, en train d'évaluer sa journée

The Quantified-self : un court-métrage accablant

Face à ce flot d’informations contradictoires, une équipe a souhaité sensibiliser le public aux dangers de l’auto-mesure par le biais du cinéma. Le film raconte le quotidien monotone et insipide d’une famille qui a fait de l’auto-mesure sa nouvelle religion. Le film offre une vision dystopique d’un courant né du souci d’amélioration de son quotidien par l’optimisation de ses activités physiques et sociales. Héritière du Docteur Knock, cette famille se retrouve en réalité enfermée dans une boucle protégée de tout égarement. Une boucle infernale formée dans sa quête de la perfection que seuls les chiffres pourraient atteindre, aux dépens de l’intuition et de l’émotion, pourtant propres à l’Homme.

Le synopsis du court-métrage va droit au but : “Quand des parents bien intentionnées élèvent l’auto-mesure au rang de religion familiale, les conséquences dépassent le quantifiable“. Dans une interview accordée à Forbes India, le compositeur de la musique du film, Romain Collin, explique son processus de création : “J’ai conçu une bande sonore très simple: seuls deux tambours tracent le déroulement de l’histoire. Comme les zéro et les uns du monde numérique dans lequel cette famille est enfermée“. Volontairement minimaliste, cette bande-son doit transmettre au spectateur le raccourci intellectuel et l’aliénation que représente la traduction du monde et de l’humain en données numériques, explique t-il.

Les deux filles de la familles se pèsent

Avant d’immigrer aux États-Unis, le réalisateur du film a passé son enfance en Ukraine. Il a donc assisté à la surveillance de masse et au contrôle strict de l’information des régimes autoritaires. Ce qu’il a compris, c’est que plus d’informations, est toujours synonyme de plus de contrôle. C’est après avoir lu le livre d’Evgeny Morozov sur le “solutionisme” de la technologie, To save Everything, Click Here, paru en 2013, et qui affirme que de grandes questions très complexes pouvaient être résolues par la technologie et le Big Data et après avoir lu un poème d’une ancienne addict de l’auto-mesure qu’il a été amené à s’intéresser à la face obscure du tout-quantifié.

La quantification opère sa magie tous les jours et partout. En voiture, plutôt que de se repérer avec les routes, les fleuves et les forêts d’une carte, “on ne fait plus que se repérer avec des points de géolocalisation, pour aller d’un point A à un point B“, explique-t-il dans une déclaration sur le site du film. C’est là qu’il a compris que la technologie pouvait à la fois faciliter notre quotidien et avoir des dommages collatéraux sur notre perception, nos impressions et nos émotions. Il s’est donc demandé ce qu’il se passerait si l’on équipait toute notre maison de capteurs dans le but de nous guider dans nos relations sociales. Les mesures prendraient-elles le pas sur l’humain, ou l’humain resterait-il maître de soi ? Quelle part de l’humain serait-on capable de sacrifier pour optimiser notre vie de tous les jours grâce aux chiffres ?

Ce sont ces questions que le film a voulu poser. Bande-annonce.


Un film à retrouver en intégralité sur le site de Fandor.

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