L’Agence Spatiale Européenne et son directeur Jan Woerner viennent d’inaugurer leur tout nouveau laboratoire consacré à la fabrication additive.
Aérospatiale et impression 3D
Si aux seuls mots “impression 3D” vous voyez l’image d’une pièce imprimée dans un plastique bas de gamme et fragile, ôtez-vous tout de suite cette image de la tête. La fabrication additive est un procédé relativement jeune, mais beaucoup moins qu’il n’y parait. Les premières techniques sont apparues en France et aux Etats-Unis dès les années 1980. Et depuis, les industries automobiles et aéronautiques les utilisent quotidiennement. C’est simplement leur miniaturisation et leur accessibilité qui ont provoqué un récent engouement dans le domaine grand public.
L’impression 3D est une petite révolution en ce qu’elle permet de créer des pièces dans des formes jusque là impossibles à réaliser en une fois avec des techniques traditionnelles, voire impossible à réaliser tout court. Le recours à plusieurs moules et plusieurs touches limitaient drastiquement la robustesse d’une pièce. Un autre aspect qui a propulsé l’impression 3D dans l’industrie, c’est non seulement sa rapidité, mais surtout sa praticité. Le processus de fabrication se fait d’abord sur ordinateur, ce qui permet maintes et maintes retouches et corrections avant d’envoyer le fichier à l’impression. A ce jeu, des chercheurs de Cornell sont même allés encore plus loin en créant une machine capable d’imprimer quasiment en même temps que le designer conçoit son modèle.
Si la technique permet de réaliser des pièces robustes de formes complexes, comme ce fut le cas pour une partie de la fusée Atlas V, partie pour rejoindre l’ISS, elle permet aussi et surtout de fabriquer des pièces dans leur entier à partir d’une simple machine. Et cette machine peut être aisément transportée dans l’espace. La société Tethers Unlimited, financée par la NASA, en a fait son cœur de métier. Elle espère pouvoir assembler des structures directement dans l’espace grâce à des imprimantes et des robots.
Dans le cadre du développement de ses activités aérospatiales, l’ESA avait d’abord conduit un premier programme d’exploration des techniques de fabrication assistée par ordinateur. Un programme dans lequel l'”additive manufacturing“, ou impression 3D, a su trouver pleinement sa place. Courant 2014, ce sont plus de 700 experts provenant de 26 pays et de 390 entreprises qui contribuent à cette initiative multi-disciplinaire.
Ce programme a abouti fin 2015, à une liste de 30 composants qui devraient bénéficier des nouvelles techniques de fabrication additive. L’objectif final étant de créer une Coordination Européenne de Standardisation Spatiale (ECSS) pour fixer des normes et des standards dans l’usage de l’impression 3D pour l’aérospatial européen.
Ouverture d’un laboratoire spécialement dédié à la fabrication additive
L’Agence Spatiale Européenne est l’une des principales concurrentes de la NASA. Depuis sa fondation en 1975, elle a déjà développé 6 lanceurs de fusées et envoyé en orbite une petite vingtaine de satellites à but scientifique. La mission Rosetta est celle qui a eu le plus d’écho ces dernières années. Envoyés dans l’espace en 2004 pour récolter des échantillons de la comète Tchouri, la sonde Rosetta et son robot Philae publiaient hier son message d’adieu avant extinction totale. Pour assurer le bon déroulement de ses activités futures, dont les missions Bepicolombo à destination de Mercure, Juice à destination de Jupiter ou bien encore ExoMars, qui prévoit d’envoyer un rover sur la planète rouge en 2018, l’ESA n’a de cesse d’innover et de chercher de nouvelles technologies de fabrication et de nouveaux matériaux.
C’est pourquoi, elle s’intéresse très largement à l’impression 3D, technique révolutionnaire et transportable. La semaine dernière, l’Agence inaugurait son laboratoire spécialement consacré à la recherche et au développement autour de la fabrication additive dans le Laboratoire de Rutherford Appleton (ESA-RAL) à Harwell, près des locaux britanniques de l’ESA. Une situation géographique potentiellement malheureuse étant donné l’actualité du référendum sur la sortie du Roayume-Uni, d’ailleurs rejetée par une partie de la communauté scientifique britannique, l’autre partie s’étant rassemblée sous la houlette des Scientists For Britain, dont la mission était de réfuter les arguments du camp pro-européen.
Mais si l’agence européenne a choisi ce lieu, c’est pour la simple raison que le campus d’Harwell bénéficie d’une expertise mûrie dans le domaine de la recherche. D’après le communiqué de l’ESA, le but est de profiter des “établissements de première classe du campus pour évaluer de nouveaux matériaux, et en associant différentes techniques pour utiliser les technologies d’impression 3D pour les missions spatiales“.
De son côté, Andrew Barnes, chef du nouveau laboratoire explique qu’il y a “une multitude de technologies émergentes au grand potentiel en termes de production de structures de navettes plus robustes, plus légères et moins coûteuses, mais pour cela, nous devons être certains qu’elles soient totalement compatibles avec l’espace, sans retournement de situation“. Le laboratoire se chargera donc d’évaluer toutes ces technologies pour s’assurer qu’elles répondent bel et bien à toutes les exigences et contraintes du milieu hostile qu’est l’espace. Et pour en être certain, l’Agence a mis à disposition de l’équipe de recherche du matériel dernière génération avec une imprimante 3D à métal, toute une série de microscopes, une machine tomodesimétomérique à rayons-X ainsi que des fourneaux. Autant d’appareils qui devront aider les chercheurs à tester l’élasticité et la micro-résistance des matériaux. “Les résultats de nos recherches devront aider l’ESA à diriger ses investissements futurs“, poursuit-il.
Les scientifiques pourront également bénéficier de tous les complexes de recherche voisins : “nous avons accès aux salles de semi-conducteurs, aux laboratoires de cryogénie, au centre Laser du Royaume-Uni, à la source de neutrons ISIS ainsi qu’au synchrotron Diamond Light Source“, rival du synchrotron Soleil du plateau de Saclay.
De quoi, réaliser peut-être un jour le rêve d’un village entièrement imprimé sur la surface de Lune, un projet proposé par l’ESA il y a déjà trois ans.
Crédits photos : ESA–Anneke Le Floc’h; STFC-S.Kill.
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