La municipalité d’Enfield, à Londres, a fait appel aux services d’un agent virtuel développée par IPsoft pour assurer un meilleur service public à ses nombreux habitants.
Administrations et gouvernance
Parmi les organisations qui ont connu la plus grande régulation ces dernières décennies, ce sont celles des gouvernements. Un raidissement des règles tel, qu’il a rapidement donné naissance à une science, la sociologie des organisations. Le but ? Passer ces organisations gouvernementales au peigne-fin pour en déterminer les mécanismes et le fonctionnement. Prenez l’exemple de l’administration française. Elle est la reine de la régulation et de la paperasse. Et pourtant, de nombreux chercheurs se sont attelés à montrer que plus il y avait de régulation plus on étriquait les travailleurs, qui de toute manière trouvaient toujours un moyen de contourner ou de tourner les règles à leur avantage. C’est ce que le sociologue Michel Crozier appelait les zones d’incertitudes.
Aussi, pour empêcher les employés de bureau de profiter des failles du système de règles, les bureaucrates adoptaient de nouvelles règles, qui ne faisaient finalement que repousser l’avantage sur un autre acteur de l’organisation.
Face à la débâcle, les pourfendeurs de l’inefficacité administrative ont donné naissance au mouvement du New Public Management. Une approche de gouvernance qui consiste à emprunter les méthodes du secteur privé pour les appliquer au public et ainsi d’être en mesure de composer avec le paradoxe du budget sans cesse décroissant pour un service toujours supérieur. Ce mouvement très populaire au Royaume-Uni a par la suite été rejoint par la majorité des pays européens. Mais nos voisins d’outre-manche restent les meilleurs en la matière. Et ils viennent de nous en donner une nouvelle preuve.
Amelia, le remède miracle ?
L’employée de l’année cela pourrait bien être elle. Amélia est un système cognitif développé par la société IPSoft, spécialisée dans les technologies de l’information depuis sa création en 1998. D’après ses créateurs, elle se démarque de ses concurrents humains par son obéissance. Aussi, pour toutes les entreprises et organismes pour lesquels le strict respect du protocole et des règles est élémentaire, Amélia constitue la meilleure solution. Elle suivra les ordres à la lettre sans broncher et les exécutera de façon sûre et optimale. En plus d’avoir été spécifiquement entraînée pour incorporer telle ou telle entreprise à tel ou tel poste, elle est capable d’apprendre au fur et à mesure et donc de se perfectionner, et ce 24h sur 24, 7 jours sur 7.
Lancée seulement en 2015, la seconde version de leur agent virtuel a fait de gros progrès. Leur programme informatique est doté d’une faculté de compréhension du langage naturel qui lui permet d’interagir facilement avec ses collègues humains. D’après IPSoft “elle ne fait pas que reconnaître les mots qu’elle utilise, elle comprend le sens qu’ils véhiculent“. C’est une nuance qui fait toute la différence puisque cela lui permettrait de donner des réponses adaptées et contextualisées et non pas de simples automatismes. C’est aussi cela qui lui offre une grande flexibilité.
Selon IPSoft, la mémoire d’Amélia est construite comme celle de l’homme avec des capacités épisodique et sémantique. La première lui permet d’assimiler les faits et expériences quand la seconde structure le tout et lui donne un sens global. La combinaison des deux types de mémoire lui permet d’apprendre et de s’adapter aux différentes demandes. Ses concepteurs l’ont également équiper d’une faculté émotionnelle. Le but étant d’offrir une expérience client plus agréable et moins abrupte. Cette émotivité est simulée par sa capacité à garder en mémoire ses interactions et ainsi d’interagir avec un individu sur la base de ses expériences passes avec ce même individu.
Premier déploiement dans une organisation publique
Pour la première fois, IPSoft a pu déployer son programme cognitif dans une organisation publique. En s’associant avec Accenture, le groupe a implanté son intelligence artificielle dans le service municipal d’Enfield. Ce quartier est le plus peuplé de Londres et voit le nombre de ses habitants grimper de 4000 à 5000 personnes par an. Pour relever le défi d’une gouvernance efficiente malgré les budgets sans cesse réduits, la municipalité a fait appel aux services d’IPsoft.
Elle entrera en fonction au conseil municipal à l’automne prochain. Sa mission consistera à prendre en charge les demandes des usagers du service public. Elles aidera les habitants à trouver des informations et à remplir des formulaires. Mais ce n’est pas tout, grâce à sa capacité de calcul, elle devrait rapidement revoir le fonctionnement interne de l’administration pour tenter de l’optimiser. Le conseil espère par exemple utiliser Amélia pour indiquer aux usagers comment trouver les bonnes informations sur le site internet de la municipalité mais aussi de lui faire contrôler l’authenticité des documents présentés par les habitants.
Au CEO Europe de Ipsoft de féliciter ce partenariat : “Les organisations publiques du monde entier, et plus particulièrement au Royaume-Uni, doivent travailler sous une pression énorme pour fournir un service public de qualité sans les moyens nécessaires. La révolution digitale a permis l’essor de services nouveaux à destination des institutions mais a également élevé le niveau d’attente des citoyens qui s’attendent à une meilleure qualité de service“. Selon lui, les systèmes cognitifs comme Amélia offrent aux structures gouvernementales une chance incroyable pour repenser leur modèle d’organisation. L’automatisation permet de se débarrasser des tâches routinières qui polluent la créativité de l’esprit humain, ajoute-t-il.
Watson vs Amélia
Grâce aux progrès considérables réalisées dans le domaine de l’intelligence artificielle, de plus en plus de sociétés parviennent à rivaliser avec les knowledge-workers, les travailleurs de la connaissance. L’américaine Workfusion propose de digitaliser un certain nombre de tâches banales mais répétitives qui plombent la productivité des entreprises. Selon elle, 30% du temps des salariés serait ainsi gâché à naviguer entre les salles, à chercher des documents et ainsi de suite. Son fond de commerce consiste à couper la boucle en faisant faire le sale boulot par un programme qui se chargera de la hiérarchisation des informations, de la comptabilité, de la traduction… Son algorithme permet d’analyser une quantité phénoménale d’informations et de déterminer les segments qui pourraient être optimisés en se débarrassant de la tâche, qu’elle soit effectuée par la machine ou par un sous-traitant.
Mais le gros poids lourd du secteur, c’est bien IBM. Le géant américain travaille depuis plus de dix ans à développer son programme Watson. Il est désormais capable d’exécuter une grande variété de tâches. De la cuisine gastronomique dans un restaurant espagnol avec Chef Watson, à la création musicale artificielle de Watson Beat, le programme informatique d’IBM peut être adapté à toutes les tâches, y compris les moins évidentes. Watson est déjà beaucoup plus développé que son homologue Amelia qui ne fait finalement office que de simple assistante virtuelle comme c’est déjà courant sur internet.
Les solutions cognitives peuvent être déployées dans de nombreux secteurs : transports, distribution, santé, assurance, finance, télécommunications… Car ces intelligences artificielles comme IBM Watson, Amélia ou l’algorithme de Workfusion ont toutes la capacité de s’adapter à différentes tâches. Du secrétariat téléphonique au tri d’archives en passant par la recherche d’informations clés, ces programmes sont malléables à souhait et pourraient bien envahir le marché dans les prochaines années. En France, c’est une alliance entre Microsoft et le Lab RH qui ambitionne de digitaliser la gestion des ressources humaines, véritable épingle dans le pied de nombre d’entreprises.
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