Jackrabbot, le robot autonome du laboratoire de Vision Artificielle de l’Université de Stanford sillonne les allées du campus au contact des êtres humains pour apprendre de leurs comportements et règles sociales.
Il fait grand soleil, le petit train-train quotidien s’active. Chacun sort de son petit chez-soi pour se rendre au travail. Des robots se promenant sur les trottoirs de la ville aux côtés de leurs concitoyens humains, portent les enfants et accompagnent les vielles dames. Joli tableau n’est-ce pas ? Et bien ce jour n’est pas tout prêt d’arriver.
Car les robots sont des incapables. Pour peu qu’ils sachent marcher, ils font en réalité de très mauvais équilibristes. Rares sont ceux qui parviennent à tenir sur leurs deux pattes et plus rares encore sont ceux qui avancent une jambe après l’autre pour se déplacer d’un point A à un point B. Aujourd’hui la recherche se concentre encore à faire marcher ces boîtes de métal, lentes et maladroites. De nombreux inventeurs contournent le problème et optent directement pour un mode de locomotion plus pratique, à savoir les roues ou les ailes.
De gros projets cherchent au contraire à faire découvrir les joies de la bipédie à nos amis les robots. On peut citer à ce titre les exemples de Walkyrie, le robot de la NASA qui vient tout juste réussir l’exploit ou celui du robot MARLO du Michigan Robotics Lab. Mais ce dernier nécessite encore une importante supervision de la part de ses créateurs. En France, le représentant le plus avancé de la bipédie s’appelle Roméo. Développé par SoftBank Robotics (ex Aldebaran), le pauvre humanoïde n’en est encore qu’à ses touts débuts tant sa démarche est fastidieuse et titubante (à voir dans le Zapping Avril). Le plus habile et le plus abouti est sans conteste Atlas de Boston Dynamics qui avait fait des vagues sur les internets lors de la sortie de la vidéo de présentation.
Mais ce qui s’avère le plus complexe, une fois l’obstacle technique surmonté, c’est de faire en sorte que le robot s’insère sans problèmes dans le quotidien des humains. Et ce n’est pas Google qui dira le contraire avec ses expérimentations de voitures autonomes qui rencontrent tout un tas de difficultés imprévisibles. Résultat, pour le moment la Google Car s’avère incapable de prendre en compte toutes les variables aléatoires possibles, comme un piéton qui traverse subitement alors que le feu est au rouge ou comme un “piéton” qui tourne autour du véhicule autonome dans son fauteuil roulant électrique.
Aussi redoutables soient-ils à relever, ces défis n’empêchent pas certains chercheurs de persévérer. C’est le cas de ceux du Laboratoire de Vision Artificielle de l’Université de Stanford. Début juin, ils dévoilaient Jackrabbot, un robot social destiné à arpenter les rues urbaines pour le confronter le plus possible à ces imprévisibles d’êtres humains. Le but ? Interagir avec les piétons et apprendre de leur comportement normal dans la rue. Le petit robot a été baptisé en hommage aux nombreux lièvres qui peuplent le campus de l’université et qui font montre d’une admirable adresse, à la différence des robots. Un patronyme en guise d’objectif à atteindre pour ce robot équipé de différents capteurs qui lui permettent de comprendre son environnement et de naviguer dans les rues tout en évitant les humains.
L’objectif étant de le livrer par ses propres moyens sur le campus afin qu’il trouve par lui-même comment se déplacer au mieux au contact des êtres humains. Au fil de l’expérience, Jackrabbot apprend des conventions humaines, souvent implicites et déterminées par le milieu étudié. Les gens ne se comportent et ne se déplacent pas de la même manière dans un centre commercial que sur les trottoirs ou que sur un terrain de foot. Ce sont toutes ces variations que le robot est censé étudier tout au long de son parcours, des plus minuscules au plus évidentes. Sauf que parfois ce ne sont pas les variations les plus évidentes qui sont les plus lourdes de sens. C’est donc là tout l’objet de la mission de Jackrabbot que d’apprendre à identifier ces imperceptibles variations comportementales de manière à pouvoir les intégrer et y réagir de façon de plus en plus appropriée. Car les humains ont intégré tout un tas de règles implicites qui régulent leur comportement face aux autres humains lorsqu’ils sont en déplacement. Par exemple, lorsque l’on marche en direction d’une autre personne, on prépare une esquive afin d’éviter la collision. Cette esquive, elle est plus ou moins rapidement mise en place selon la vitesse à laquelle les deux intéressés se meuvent, vitesse elle-même déterminée par l’environnement direct. On ne se déplace pas aussi rapidement dans un parc que dans les couloirs du métro…
Le robot n’est en rien un produit final, il ne s’agit que d’un prototype pour mener à bien une expérience bien précise, qui elle, si les résultats sont concluants, permettra de concevoir de nouveaux robots plus habiles, capables de se mouvoir dans des lieux publics à l’affluence plus ou moins importante. On peut espérer que toutes les données récoltées permettront d’améliorer la navigation d’une multitude de robots. A commencer par ceux qui sont en passe d’êtres déployés dans des lieux publics, comme le robot-bagagiste de l’aéroport de Genève, ou bien les robots policiers de Dubaï.
“En apprenant des conventions sociales, le robot pourra faire partie intégrante d’un écosystème où humains et robots pourront co-exister” a déclaré Silvia Savarese, assistant professeur de science informatique et directeur du Laboratoire de Vision Artificielle. A terme, le projet Jackrabbot doit aboutir à un système de prévision des trajectoires humaines. Il sera présenté le 27 juin lors de la conférence de Computer Vision et Pattern Recognition de Las Vegas. Aussi automatisés soient-ils, les robots devront intégrer les normes sociales et casser avec leur schémas de déplacements établis afin de s’insérer sans accrocs dans la vie quotidienne des humains. Pour s’assurer que les robots comprennent ces règles non codifiées, les chercheurs de Stanford utilisent des techniques de machine learning pour créer des algorithmes pertinents. “Notre objectif est littéralement d’apprendre comment les piétons interagissent sur la base de simples observations” ajoute Savarese. Jackrabbot est d’ores et déjà autonome et peut se déplacer en intérieur sans supervision aucune de la part d’un être humain. “Nous avons développé un nouvel algorithme qui permet au robot de se déplacer en intégrant cette conscience sociale, et nous allons bientôt le tester sur Jackrabbot” a expliqué Alexandre Adahi, post-doctorant du laboratoire.
En attendant de plus importantes mises en liberté, le prototype de jackrabbot est encore trop coûteux. Les ingénieurs espèrent baisser le coût total aux alentours de 500$ d’ici cinq ou six ans.
Informations supplémentaires dans l’article de recherche.
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