Le mois dernier, l’information faisait l’effet d’une mini-bombe dans le petit monde de la robotique : Kuka, le géant de la robotique industrielle devait être racheté par les chinois de Midea. Aujourd’hui le Süddeutsche Zeitung révèle que le gouvernement Merkel oeuvre en coulisses pour bloquer l’opération.
Le 17 mai, le fabricant d’électroménager chinois Midea lance les hostilités. Il souhaite faire passer sa participation dans le groupe Kuka AG de 13 à 30% pour un total de 4,5 milliards d’euros. Il en prendrait naturellement le contrôle devant le groupe allemand Voith, mais promet vouloir conserver la direction en l’état. Kuka est pourtant en excellente santé économique : en sept ans, son chiffre d’affaires a triplé. Et c’est sans doute là la raison de cette offre alléchante. Andy Gu, vice-président du groupe Midea en charge de l’international déclarait à Reuters vouloir “préserver l’identité de Kuka en tant que société allemande“. Car là n’est pas sa stratégie. Au contraire, le chinois compte bien profiter de l’image de marque de l’allemand pour l’aider développer à se développer en Asie : “C’est surtout en Chine que nous pouvons aider Kuka, qui a des projets de développement dans le pays. Nous souhaitons les y aider en leur faisant profiter de notre clientèle et de notre chaîne d’approvisionnement“.
La direction de Kuka n’avait d’ailleurs pas mal réagi, en jugeant que cette offre n’était pas du tout “hostile“. Au président directoire de Kuka de féliciter cette offre, justifiant cet accueil par l’objectif fixé “d’atteindre un milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2020. Un partenaire qui soutient cette stratégie et nous offre un meilleur accès au marché peut être un puissant moteur de croissance pour Kuka“.
Dans la foulée, l’action Kuka bondit de 25% à la bourse de Francfort. Mais l’annonce n’a pas été vue d’un si bon œil pas certains de ses partenaires, gouvernement allemand en tête.
Le gouvernement allemand riposte
Selon e quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, Sigmar Gabriel, actuel ministre de l’économie de nos voisins allemands, se serait dit prêt à étudier toute offre alternative en provenance d’Europe. Une option déjà avancée par son compatriote Günther Oettingher, actuel commissaire européen du numérique qui s’oppose fermement à la délocalisation des technologies allemandes. Car les investissements directs chinois outre-rhin sont estimés à 3% du total des investissements de l’Empire du Milieu, autant que pour tout le continent Africain. Inquiet de cette nouvelle présence chinoise, le commissaire est allé jusqu’à faire pression sur les actionnaires actuels pour les inviter à prendre une participation plus grande dans l’entreprise. Quant au Ministre de l’Economie, il aurait opéré en coulisses pour faire capoter l’acquisition de Kuka par Midea, en réunissant un consortium d’investisseurs européens pour reprendre en main le groupe allemand.
Suite à la parution des informations du Süddeutsche Zeitung, les rumeurs ont courus et on soupçonnait déjà ABB Robotics et Siemens de vouloir mettre la main sur Kuka. Dans la matinée, l’action d’ABB prend 0,3% à la bourse de Zurich. Début mai, le groupe hélvético-suédois avait d’ailleurs fait l’acquisition d’une société suisse spécialisée dans les automatismes.
Dieter Zetsche, président de l’Association Européenne des Constructeurs Automobiles (ACEA) s’est de son côté montré plus prudent dans cette affaire, en rappelant qu’aucune industrie allemande n’avait souffert d’un rachat par une entreprise chinoise, indiquant par ailleurs qu’il “n’existe aucune preuve qu’une telle opération aurait de quelconques effets néfastes sur l’activité du secteur automobile“.
La chine dénonce une politisation
Côté chinois, Hua ChunYing, porte-parole du ministre des affaires étrangères chinois, a fait part du soutien du gouvernement de Pékin à cette offre de rapprochement Kuka-Midea. Avant de dénoncer une politisation de l’opération par l’Allemagne : “Les gouvernements de tous les pays ont pour responsabilité de fournir un environnement et des conditions propices à ce type de coopérations mutuellement bénéfiques. Toute activité commerciale normale ne devrait peut-être pas être politisée.”
Selon Andy Gu, un tel rachat pourrait l’aider à diminuer l’inflation des coûts salariaux. Car la Chine, en plein développement, voit naturellement les salaires augmenter et les classes moyennes s’enrichir. Disposant d’une main d’oeuvre de plus d’une milliards de personnes, et alors que le pays ne s’inscrit toujours pas dans les pays dits développés, la Chine s’empresse déjà de contenir l’envolée des salaires en automatisant ses activités. “Avec la hausse des coûts salariaux, l’efficience devient un enjeu majeur pour notre activité et pour l’économie chinoise” expliquait-il la semaine passée. Une analyse qui coïncide avec la décision récente et controversée de Foxconn de remplacer 60 000 de ses ouvriers par des robots. Si l’automatisation provoque déjà l’inquiétude des salariés européens pourtant déjà relativement bien logés, qu’en sera-t-il dans un pays comme la Chine, dans lequel la majorité de la population appartient toujours aux classes inférieures et où près de 100 millions de chinois vivent sous le seuil de pauvreté ?
Toujours est-il que cette offre de rachat pourrait permettre à Kuka d’accélérer son expansion tout en investissant un marché clé. Qui du consortium européen ou du chinois Midea emportera la mise ? Affaire à suivre…
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