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Hala ou quand la robotique s’empare des questions socio-culturelles

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En 2010 naît le projet Hala. Une roboceptioniste comme les appelle les chercheurs de l’Université Carnegie Mellon de Doha au Qatar, constituée d’un écran représentant le visage d’une femme, juché sur un torse.

Elle a été mise en activité dans le hall de l’Université dès 2010. Son rôle ? Accueillir les étudiants et visiteurs, répondre à leurs questions et servir d’expérimentation pour collecter des données sociologiques et ethniques. Hala est un robot de réception bilingue qui parle anglais et arabe. Et pour cause, 86% de la population de ce petit état du Golfe Arabique serait d’origine étrangère. Pour faire tourner son économie et ouvrir des perspectives d’avenir qui ne dépendent pas de l’or noir, le pays développe de plus en plus les activités commerciales et est prêt à accueillir les travailleurs du monde entier pour y parvenir. La contrepartie d’une telle ouverture, c’est un bouillon de cultures, de langues, de religions, et de modes de vies.

Cette diversité culturelle implique naturellement des soucis de communication. Hala qui signifie “bienvenue” en arabe a donc été conçue pour répondre à la mixité culturelle et linguistique de ce pays. Comment parler dans la bonne langue à un visiteur ? Comment lui répondre sans prendre le risque de le froisser en utilisant un langage inapproprié ? C’est toute la difficulté qu’est supposé surmonter ce nouveau type de robot réceptionniste. Hala est capable de lire à travers les lignes du visage et de déterminer l’origine de son interlocuteur et ainsi de s’adapter à ses attentes non seulement linguistiques mais aussi comportementales. En 2010, dans le cadre de ce projet, les chercheurs ont d’abord comparé les interactions de Hala avec celle de Tank, un autre robot d’accueil, mais qui ne parle qu’une seule langue. Résultat, les interactions de Hala avec les visiteurs ont duré deux fois plus longtemps que celles de Tank. De même, ses interlocuteurs répondaient à 80% de ses questions, contre seulement 27% pour Tank.

Hala robot réceptionniste

D’autres conclusions du projet d’étude sur les interactions multiculturelles homme-robot ont été dévoilées dans un article de recherche en 2013. “Si l’on regarde les humanoïdes, comme au Japon ou en Europe, leurs ingénieurs font en sorte qu’ils ressemblent aux gens qui les entourent. Les robots japonais sont habituellement asiatiques et les robots européens sont caucasiens, sans doute parce que c’est ce à quoi ressemblent leurs créateurs” explique Maxim Mikatchev, l’un des auteurs de l’article “Des robots crédibles”. Ils en concluent que plus un robot ressemble aux gens avec lesquels il interagit, mieux il est accepté par ces derniers.

C’est le principe d’homophilie mis au jour par les célèbres sociologues américains Paul Lazerfeld et Robert Merton. Nous avons plus d’affinités avec ceux qui nous ressemblent. Des études ont également montré que le principe d’homophilie était à l’oeuvre entre les hommes et les robots. En conséquence, les concepts d’anthropomorphisme et de similarité sont au cœur des études sur les interactions homme-robot. Celles-ci sont largement déterminées par la capacité du robot à se fondre dans le moule. Mais la plupart des robots conçus jusqu’à présent expriment leur similarité ethnique à travers leur seule apparence physique.

Ce que cette étude montre, c’est que l’ethnicité est également affaire de codes sociaux et comportementaux. L’objectif du projet Hala, c’est donc d’analyser les codes sociaux des différentes cultures, de prendre les stéréotypes culturels et ethniques au pied de la lettre pour créer un robot “crédible” et qui facilite donc l’interaction homme-robot, surtout dans un pays aussi clivé que le Qatar.

Partant de ce constat, les chercheurs ont testé différents signaux verbaux et comportementaux comme la façon dont on salue quelqu’un, qu’on regarde les gens, qu’on réagit aux maladresses et au désaccord. Le but étant de déterminer quels sont les tenants de la politesse selon les cultures. L’équipe a donc mis au point quatre robots prototypes, le premier d’apparence arabique, le second d’apparence américaine, et deux autres d’apparence robotique, pour servir de référence. Ces quatre robots ont été mis face à 17 sujets humains.

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Étonnamment, les chercheurs n’ont pas pu déceler de grande différences. Tous les sujets, qu’ils soient occidentaux ou arabes, ont préféré l’interaction avec le prototype américanisé. La majorité a également déclaré qu’elle préférait le robot 4, le moins humanoïde du panel. Mais leurs recherches confirment qu’il existe bel et bien des formalités à respecter dans chaque culture.

Par exemple, au cours d’un dialogue, les anglophones, à l’inverse des arabophones, ont exprimé du désagrément lorsque leur interlocuteur a fait usage de formalités lors des moments de salutations, de désaccord ou bien de question-réponse. Pour les arabophones, les énoncés formels sont preuve d’ouverture et de bon sens lors des moments de désaccord ou d’excuse. En compilant des tonnes de données issues des interactions entre les robots tests et leurs interlocuteurs, les chercheurs ont pu mettre au point des systèmes sophistiqués d’analyse situationnelle. Par exemple, grâce à une technologie de lasers, le robot de service est capable de déterminer s’il est préférable d’interpeller un visiteur, selon sa vélocité et son positionnement dans l’espace. Mais la science des capteurs a ses limites, et pour faciliter les interactions humains-robots, il est nécessaire d’en passer par les critères socio-culturels.

Nous essayons de rencontrer les attentes des utilisateurs en créant des personnages crédibles qui reproduisent l’illusion de la vie” indiquent les auteurs de l’article de 2013. Des attentes socioculturelles qui, si elles ne sont pas satisfaites, menacent de dépouiller l’interaction de toute spontanéité et de sincérité. Sans quoi, le dialogue risquerait de tourner court. Et, “que nous le voulions ou non, des gens continueront à ethniciser les robots. On ne saurait interdire ce genre d’expérimentations académiques ou industrielles.” conclut Maxim Makatchev.

L’avenir de la robotique apportera donc son lot de questionnements éthiques. Doit-on inculquer aux robots des schémas comportementaux ? Doivent-ils répéter nos stéréotypes pour se fondre dans la masse et faciliter la communication ? Dans tous les cas, les auteurs de l’article pensent qu’un tel robot pourrait être le meilleur moyen de créer du lien entre un Qatari et un asiatique, qui n’auraient autrement que très peu de chances de communiquer tant les asiatiques sont assimilés aux travailleurs pauvres au Qatar.

Source : Arstechnica.com

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